Anticiper les risques naturels et climatiques

Deux focus ont été choisis pour illustrer cet objectif. Ils concernent les thématiques de transfert du COP 2017-2021 avec d’une part la prévision des crues et des inondations et des risques associés pour les infrastructures (7.1), d’autre part le risque sismique et les mouvements de terrain (7.2).  

La prévision des crues et des inondations et des risques associés pour les infrastructures (7.1)

La thématique de transfert 7.1 traite de la prévision des crues et des inondations, et des risques associés pour les infrastructures. Le projet ANR-SSHEAR (Sols, Structures et Hydraulique : Expertise et Recherche Appliquée) sur les processus d’affouillement et les tentatives d’instrumentation in-situ a permis de rassembler de nombreux chercheurs complémentaires et pluridisciplinaires.  

Projet ANR SSHEAR

Les processus d’affouillement sont une cause majeure de destruction des constructions (ouvrages d’art, ouvrages en terre et bâtiments) notamment lors des crues majeures mais leur prise en compte reste trop empirique. Le projet SSHEAR a permis l’amélioration des connaissances sur les mécanismes d’affouillement et le développement d’outils novateurs d’observation et de modélisation aux échelles tant de maquettes expérimentales que d’ouvrages réels en vue de proposer des méthodes optimisées de diagnostic, d'alerte et de gestion. Ce projet a aussi permis d’acquérir une expertise scientifique et technique qui était quasi-inexistante sur la scène nationale mais aussi une expertise internationale tournée vers des problématiques différentes de celles intéressant le territoire français. L‘équipe en charge du projet SSHEAR a dû créer les conditions nécessaires à l’émergence de cette expertise nationale, et pour avancer sur l’amélioration des connaissances et proposer des méthodes optimisées de diagnostic, d'alerte et de gestion, s’est basée sur une approche multi-échelle et pluridisciplinaire portant sur : - les processus physiques d’écoulement et d’érosion à proximité d’ouvrages (ponts, berges…) ; - trois expérimentations de laboratoire offrant une observation multi-échelle ; - une approche réellement novatrice de modélisation biphasique ; - les observations et les enregistrements de terrain ainsi que des développements de matériel. Une journée de restitution des principaux résultats de ce projet s’est tenue à l’Ifsttar le 11 septembre 2019 et a rassemblé plus de 70 chercheurs. 

Thèse sur l'instrumentalisation des ouvrages soumis à l'afouillement par analyse vibratoire

Dans le cadre de ce projet, la thèse « Vulnérabilité des ouvrages d’art aux risques d’affouillements » par N. Boujia (2018), portait sur l’instrumentation des ouvrages d’art aux risques d’affouillement par analyse vibratoire. Deux pistes ont été explorées : la surveillance directe du comportement de piles de pontet l’étude de faisabilité d’un capteur d’affouillements. Le comportement dynamique des piles a été étudié par des modélisations, validées par des expérimentations en canal hydraulique au LHSV (Laboratoire d’Hydraulique Saint-Venant) de Chatou et l’instrumentation d’un ouvrage d’art sur l’A71. Ce travail se poursuit actuellement avec des travaux de modélisation inverse et d’identification d’affouillements dans le cadre de la thèse de M. Belmokhtar.

Réponse sismique des sols et phénomène de liquéfaction

La thématique de transfert 7.2 traite du risque sismique et des mouvements de terrain au travers des résultats sur la liquéfaction des sols et la caractérisation in-situ de ce phénomène.  

L’évolution récente de la réglementation parasismique en France (décrets n°2010-1254 et n°2010-1255 du 22 octobre 2010) impose la réévaluation du risque sismique sur un très grand nombre d’ouvrages. Sur le plan de la recherche, d’importantes avancées ont été réalisées sur la compréhension des phénomènes liés aux séismes forts notamment depuis l’événement exceptionnel de Tohoku (Japon, 2011). La réponse sismique des sols et le phénomène de liquéfaction expliquent notamment les effets dévastateurs conduisant à une perte de portance des sols de fondation, des glissements par écoulement de grande ampleur, une ruine des ouvrages et à d’importants dommages aux réseaux urbains (e.g. port de Nice, 1979 ; Tohoku, 2011). Cependant, il est encore nécessaire d’améliorer la compréhension et la modélisation de ces phénomènes en s’appuyant sur des essais pertinents à l’échelle matériau (essais de comportement en laboratoire) ainsi qu’à l’échelle du sol de fondation (modélisation physique). L’Ifsttar a proposé de développer des dispositifs expérimentaux de pointe dans chacun de ces domaines : l’objectif étant de mieux caractériser la réponse sismique non linéaire des sols (dont la liquéfaction) et l’interaction dynamique sol-structure de fondation en laboratoire à différentes échelles, et de limiter ainsi les dommages sur les ouvrages et les réseaux urbains. L’action sismique se caractérisant par l’apparition de contraintes de cisaillement de manière alternée et répétée selon différentes fréquences et amplitudes, les rotations des contraintes imposées ne peuvent être simulées que dans des dispositifs expérimentaux permettant d’appliquer une déformation de cisaillement simple cyclique jusqu’à plusieurs hertz. Une plateforme d’appareils complémentaires aptes à observer ces phénomènes de l’échelle du matériau intermédiaire jusqu’à celle de l’ouvrage a été installée. Ainsi le sol testé sous un ouvrage modèle à échelle 1 dans le plus grand cas,  pourra être testé à l’échelle de l’interface sol-structure dans le matériel de taille intermédiaire et à l’échelle de son volume élémentaire représentatif dans l’essai de laboratoire.

Pour remplir ces objectifs, un soutien financier récurent de la part de la Direction Générale de la Prévention des Risques (DGPR) du MTES a été mis en place ces trois dernières années pour faire avancer ces actions au travers de crédits dédiés à l’accompagnement aux travaux de thèses en cours et à l’élaboration de documents méthodologiques. Le projet ANR ISOLATE ainsi que la CSR EGIDE ont contribué et ont aussi été valorisés dans cette thématique de transfert dédiée à la compréhension de la liquéfaction des sols.

Projet FUI DIDRO

Le projet FUI DIDRO a permis d’explorer les diverses possibilités offertes par les drones pour la surveillance des digues : surveillance préventive et pendant les inondations.

Le parc de digues françaises accusant un état général insatisfaisant, une nouvelle règlementation a été imposée (décret n°2007-1735) afin de renforcer la gestion, mais aussi l’efficacité et la sûreté de ce parc. Face à ces nouvelles exigences, les gestionnaires de digues ne disposaient pas d’une solution leur permettant de réaliser une surveillance à grand rendement et à un coût abordable.

Le projet DIDRO « Surveillance des DIgues par DROnes »  (2015-2019, projet FUI labellisé par les pôles de compétitivité SAFE Cluster et ASTech) a ainsi vu le jour, réunissant les entreprises Geomatys (pilote), SURVEY Copter, Atechsys Engineering, les établissements publics Ifsttar, Irstea, Cerema, IGN, Entente Valabre CEREN, DREAL Centre, accompagnés des sous-traitants L’avion Jaune et le Centre d'Etudes et d'Essais pour Modèles Autonome (CEEMA) et des gestionnaires de digues notamment représentés par France Digues. L’objectif du projet était de développer une solution opérationnelle basée sur les drones instrumentés pour appuyer les missions de surveillance et de reconnaissance de tous les types de digues. Les instruments d’observation exploités – caméras et capteurs de télédétection (dans les domaines du visible, du proche infrarouge, de l’infrarouge thermique, et du LiDAR), outils de mesures aquatiques et méthodes géophysiques au sol – fournissent un ensemble de données qui, exploitées seules ou de manière combinée, permettent de détecter des désordres se traduisant par des indices de surface sur les ouvrages, mais aussi d’obtenir des informations sur certaines de leurs caractéristiques internes. L’utilisation d’un vecteur drone permet à cette solution de réaliser des acquisitions à grand rendement, et cela aussi bien dans le cadre de missions de surveillance dite routinière que de surveillance en situation de crise hydrométéorologique.

Le projet a permis la maturation, puis l’intégration et les tests de validation de plusieurs briques technologiques innovantes. Différentes étapes de restitution et un démonstrateur ont été déployés pour présenter la solution aux utilisateurs finaux (gestionnaires), aux financeurs et au pôle SAFE Cluster. Outre les nombreux livrables techniques, un guide méthodologique a été produit et les partenaires se sont également penchés sur le modèle économique d’exploitation du futur service « DIDRO » proposé aux gestionnaires de digues.

Modèles 3D de surface, dans l’infrarouge thermique et le visible, produits lors d’une restitution sur une digue de Loire (à Bou, 45) avec une zone de résurgence artificielle © consortium DIDRO